Article publié sur Agoravox : http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/elections-2017-pourquoi-ni-sarkozy-160247
Les dernières élections régionales ont montré l’existence d’un front républicain majoritaire qui, on peut le supposer, a voulu rappeler les valeurs françaises de liberté, égalité et fraternité. Dans le même temps, et ce sont quelques-uns des paradoxes des électeurs français, les votes au premier et au deuxième tours se sont reportés vers d’une part des candidats qui prônent ou appliquent une politique sécuritaire favorisant « l’état d’urgence » et même une situation perpétuelle de crise et de guerre (Jean-Yves Le Drian dans la région Bretagne, Christian Estrosi en PACA, Laurent Wauquiez dans la région Auvergne-Rhône-Alpes), d’autre part vers des amateurs dans la gouvernance des régions (les candidats du FN).
C’est poser directement la question que nul - média ou homme politique - n’ose poser de peur d’offenser l’électorat : qu’attend et qu’espère le peuple français dans sa majorité ? ces Français qui majoritairement plébiscitent la guerre (un sondage de l'Ifop et du JDD révélait que 56% des Français se déclarent en faveur d'une intervention militaire terrestre en Syrie, Atlantico, 14 septembre), et en même temps vont déposer des fleurs sur des autels improvisés (le Bataclan, La République) en priant pour l’union… disent-ils.
Les 30% accordés au FN lors du premier tour confirme cette surenchère populaire au nationalisme et au protectionnisme ; elle-même attisée et légitimée par le tournant sécuritaire décidé par le gouvernement à la suite des attentats du 13 novembre. Dans ces conditions, que signifie le triptyque républicain « liberté, égalité, fraternité » quand, sur le plan social, la fraternité éclate au profit d’un ostracisme que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier de « haine contre les musulmans », lequel donnerait lieu à la « guerre civile » si le FN était au pouvoir (E. Valls) ? Que signifient l’égalité et la liberté sur le plan social et légal quand « l’état d’urgence » (loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, consolidée au 18 décembre 2015) mène des perquisitions ciblées chez des écolos-zadistes et des musulmans non fichés, tout en laissant des imams prêcher le jihad (« Complément d’enquêtes » du 10 décembre 2015) ? Enfin, comment interpréter un vote qui donne un blanc-seing à des candidats cumulards, sans programme, sans connaissances du terrain, sans expérience de la gouvernance politique (notamment les 4 candidats FN et Yves Le Drian) ?
La confusion populaire, ses contradictions, expliquées probablement par l’absence de résultats du gouvernement actuel et par le manque de ligne claire de l’ensemble des partis politiques y compris des barons, a finalement bouté la raison, la mesure et le long terme, au profit d’unesurenchère émotionnelle, très largement alimentée par le discours urgentiste et dramatisant. Il est remarquable d’ailleurs que l’incipit de tout discours médiatico-politique qui commençait il y a peu de temps par « il faut que » ait été remplacé par « il est urgent que ». On ne compte plus les urgences : urgence contre Daech à qui la France a fait la guerre bien avant les attentats et sans lui déclarer la guerre, urgence climato-écologique (COP21), urgence pour l’emploi, et bien sûr l’« état d’urgence », ce véritable camouflet militaire qui permet tous les abus (« Complément d’enquêtes » du 10 décembre 2015). Cet état d’urgence a, pour le gouvernement actuel, au moins quatre mérites : il suspend le débat, donne au président une posture de sauveur (et comment ne pas plébisciter le sauveur), il donne un simulacre d’action, enfin il permettra opportunément à F. Hollande d’expliquer le manque de résultats à la fin de son quinquennat.
Pourtant la France, c’est-a-dire les électeurs, les citoyens et les politiques - qui ne sont pas à un paradoxe près -, attend un projet pour la nation quand bien même le projet n’est pas l’élément déterminant d’une élection qu’elle soit locale ou nationale. Par ailleurs, pour bâtir un projet commun, il conviendrait d’abord de s’accorder sur les bases de ce projet, autrement dit ses valeurs aujourd’hui émiettées et même piétinées au point que la France républicaine a été supplantée par l’Etat de droit, comprenez l’Etat qui donne le cadre d’une législation contraignante dans lequel ont été intégrées les lois sécuritaires. C’est pourtant un socle de valeurs et d’idées communes et universelles qui pourrait permettre à la France de reprendre pied. Il est temps de réaffirmer notre triptyque républicain non pas en chantant La Marseillaise guerrière mais en appliquant la pacifique liberté républicaine.