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8 juin 2006 4 08 /06 /juin /2006 18:27

 

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  •  L'AMUE organise, le mardi 20 juin 2006, une journée d'échanges et de réflexion sur le thème "L’enseignant-chercheur : développer une politique de ressources humaines pour valoriser ses missions"
  • Le programme et la fiche d'inscription sont en ligne : http://www.amue.fr/Agendas/Agenda.asp?Id=1017&Inst=AMUE

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28 mai 2006 7 28 /05 /mai /2006 13:39

 

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20 mai 2006 6 20 /05 /mai /2006 12:14

" La mise à profit de cet immense réservoir de savoir, de talents et d’énergie requiert un remaniement en profondeur immédiat et coordonné, touchant aussi bien la réglementation et la gestion des systèmes que les modalités régissant les universités. "

1.Pendant que nos esprits sont faussement concentrés sur le débat national université-emploi, alors que régulièrement une voix médiatique regrette l’inanité de l’Europe - cette chimère des poètes -, la Commission Européenne, elle bien réelle, ne s’embarrasse nullement de l’apathie des uns ou du désintérêt des autres pour continuer à tisser la toile de l’Europe de la recherche. Clamant " la nécessaire modernisation des universités de l’Union européenne ", Ján Figel, le Commissaire chargé de l’éducation et la formation, a été suivi par Janez Potočnik, Commissaire en charge de la science et de la recherche, qui a affirmé que “ les universités sont des centrales de production du savoir ". " À l’instar d’autres pans de la société et de l’économie, elles devront s’adapter aux exigences d’une économie mondialisée… "

2.Le 7e programme-cadre de recherche et de développement (the 7th Research Framework Programme, FP7), soutenu par The European University Association (EUA) et de son représentant Jerzy Buzek, Member of the European Parliament et rapporteur pour le FP7, crée un espace européen de la recherche : the European Research Council (ERC), muni d’un Governing Board (Scientific Council) de 22 personnes déjà nommées, une administration dédiée (DIS), une agence exécutive, dotés d’un milliard d’euros (chiffres à vérifier). L’ERC s’impose comme l’instrument de financement en matière de recherche, plus exactement d’une " globally competitive research environment in Europe ". Les objectifs de l’ERC, résolument axés sur la " compétitivité et l’innovation " des laboratoires ouvrent délibérément la porte à la recherche industrielle porteuse de brevets publics.

3.Dans cette cartographie des compétences, dans cette course aux brevets, quelle place vont tenir les SHS qui ont pour vocation de stimuler l’émergence sociale et non d’aligner les brevets industriels ? Cette inquiétude rejoint le débat université-emploi qui, sous couvert de la " crise du CPE ", cherche à moderniser nos archaïques institutions.

4.Enfin, il suffit de lire le profil des chargés de mission recrutés par l’ANR (l’Agence nationale de la recherche) pour conjecturer sur l’avenir de la recherche. " Profil recherché : docteur ou, de préférence, post-doc avec une expérience à l’étranger, spécialisé dans une des disciplines suivantes : économie de l’innovation, socio-économie de l’innovation, gestion de l’innovation (science studies)… ". Quand donc commercerons-nous à parler RAISON et à approfondir la CRITIQUE ? (voir article sur la pensée Ricœur).

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20 mai 2006 6 20 /05 /mai /2006 12:03

 

  • "Vous me direz : limite ou médiation, peu importe ! Je pense le contraire, parce que même la liberté est la prise en responsabilité des limites de l’existence et du savoir." Paul Ricœur, Hegel aujourd’hui, in Esprit, p. 191, 1974

 

La Revue Esprit ouvre son numéro de mars-avril 2006 à " la pensée Ricœur " et publie six textes du philosophe dont Mémoire, Histoire, Oubli et Hegel aujourd’hui. Ce faisant, elle rend compte de la diversité de la pensée Ricœur, de ses influences, de ses réticences, de ses audaces. Comme le rappellent M. Fœssel et O. Mongin, Ricœur fut au confluent d’au moins trois traditions européennes de pensée (p. 8) : la phénoménologie de Husserl dont il traduisit les Ideen (dans un camp de prisonniers), la philosophie réflexive et l’herméneutique comme mode d’interprétation.

L’originalité de Ricœur est autant dans son itinéraire intellectuel que dans sa revendication d’autonomie vis-à-vis des courants structuraliste (Lévi-Strauss), déconstructiviste (Derrida), comme ceux de la différence (Foucault, Deleuze), du cognitivisme ; revendication d’autonomie même vis-à-vis de ses influences (voir l’article de B. Bégout " l’héritier hérétique ", p. 195 et suiv.). Ses polémiques avec Sartre, ses réserves sur la pensée d’Heidegger et celle de Levinas font de Ricœur un philosophe libre ; liberté nécessaire assurément pour être un interlocuteur attentif, et un acteur majeur dans des débats et conférences.

Cependant, en proposant des rapprochements audacieux, comme celui entre Augustin et Aristote, son herméneutique philosophique n’a pas toujours eu bonne audience auprès des esprits académiques. Pour Ricœur, pourtant, l’interrogation herméneutique participe de la problématisation : l’élaboration d’une aporie est " une difficulté terminale produite par le travail même de la pensée ". Dans tous les cas, il s’agit bien de proposer un modèle de l’interprétation de soi et du monde devant le texte (p. 19) dans une herméneutique de reconstruction, de déploiement d’un sens (p. 51).

Au cœur de l’interprétation se déploie également l’hospitalité. Le bel article de Marcel Hénaff développe la question ricœurienne de l’altérité, p. 68 et suiv., à l’opposé du traitement par Levinas. Car Ricœur propose de résoudre la problématique liée à la venue de l’autre en articulant une éthique de l’altérité par le moyen d’une herméneutique de la traduction (transfert/transitivité de sens).

Force est de constater qu’à s’aventurer " aux frontières de la philosophie ", la pensée Ricœur non seulement " tient la route ", mais elle peut être délestée de son bagage biblique et, ainsi, transmettre une philosophie du sens et de la construction, et une praxis face aux critiques non abouties (parce que timorées) de notre ère (p. 194).

 

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19 mai 2006 5 19 /05 /mai /2006 15:53

 

Quand l’intolérance naît-elle chez l’adulte ?

Chacun a pu observer, ou a subi l’épreuve de l’intolérance. Je suppose ici qu’elle n’est pas inhérente à la nature humaine, mais qu’elle naît à une époque donnée et dans une situation personnelle donnée, hors de tout contexte social.

De quelque nature qu’elle soit, l’intolérance religieuse, catégorielle, ethnique…, s’illustre communément par l’indifférence ou le mépris de l’autre, jugé différent donc incompréhensible ou indésirable. L’ontologie de l’être de Husserl, Bergson, Foucault, de Certeau, Lévinas, Derrida, Agamben, reprenant la célèbre formule de Rimbaud : " Je est un autre ", a contribué à faire croire à une identité aliénée par la rencontre avec l’autre, en tous les cas d’une certaine dépossession de notre identité, argument spécieux assurément dont Paul Ricoeur s’est écarté. Pour Paul Ricœur, les représentations sont de l’ordre des idées au sens kantien, de sorte que l’homme est mis au défi de sortir de la forteresse qui l’aliénait au non-connu. Ainsi l’imagination est-elle désaliénée pour devenir le medium, et par ailleurs un medium relatif, nettoyé de l’absolutisme du concept universel (der Begriff) de Hegel. (Voir le recueil de textes majeur : Du texte à l’action, Seuil, 1986).

Mais je ne voudrais pas que ces propos me détournent de mon idée de parler de l’expérience de l’intolérance. A quel moment s’opère le renversement entre l’enfant - petit homme révolté par l’iniquité - et l’adulte tolérant l’intolérance, et même l’employant comme instrument de survie, pas seulement dans les situations-limites, mais aussi dans son quotidien, pour penser sa conservation et sa promotion ? A quel moment le renversement des valeurs a lieu dans l’esprit adulte ? Celui-ci ne serait-il pas concomitant à la perte du penser ensemble dont seul l’enseignement libre est le garant ?

 Catégorisation et privilèges

L’élève, guidé par le discours du maître, est sensible aux théories du " bonheur commun " et du " vivre ensemble ", surtout quand il prend connaissance de l’intolérance historique liée aux privilèges roturiers, à la traite des Noirs, aux génocides…, quand il entend parler ou voit l’intolérance dont sont victimes les minorités sociales (: non-parité sexuelle et inégalité raciale).

Peut-être suffirait-il de suivre un individu dans son cheminement scolaire, professionnel et culturel, pour constater que le renversement des valeurs a lieu au moment où le jeune adulte quitte l’école. Entré dans la vie professionnelle, il constate amèrement que le " bonheur commun " est impossible, et se met à penser les privilèges liés à sa " catégorie socioprofessionnelle " dont les jeunes adultes, friands de catégorisation surtout quand elle les met à l’écart (le pensent-ils) de la précarité et du danger (i.e. : l’autre), se délectent.

Celui-ci en vient à trouver que les privilèges sont plus vite acquis quand on nie l’autre. La véritable aliénation ne commence-t-elle donc pas au moment où l’homme, croyant être autonome, jette l’ancre dans le champ du conformisme et du communautarisme, pour écarter avec délice la pensée élaborée (complexe et donc difficile), la réflexion sur soi et sur le monde, sous-tendues à l’accueil de l’autre ? Quitter l’école, n’est-ce pas abandonner l’effort de l’analyse, de la réflexion, de l’examen, et en même temps les années qui vous avaient faire croire à l’hospitalité et à la rencontre ? Parce que la compréhension de l’autre exige un geste volontaire délestant l’ego, le plus souvent l’arrachant de ses certitudes et de ses préjugés (pensées simplistes faciles d’accès) pour le diriger vers l’inconnu et le doute, mais également la nouveauté et la fraternité, l’autre est en effet un danger pour un individu perclus de certitudes, en vérité ignorant le monde.

Les dangers de la formation professionnelle dispensée du savoir

C’est une des raisons qui me font douter de la formation, telle qu’elle est surévaluée en ce moment, au détriment du savoir. Introduire la formation professionnelle dès les classes de collègue, c’est reconnaître que l’enseignement théorique ne se suffit pas à lui-même pour faire de l’enfant un adulte. Au vrai, on a substitué à l’étude qui façonne l’homme digne le travail qui forme le consommateur du ‘penser facile’ ; le premier sait qu’il ignore et pour cela même recherche l’autre, le second croit ne rien ignorer aussi écarte-t-il le différent.

S’il devient de plus en plus difficile de sensibiliser les élèves (collégiens, lycéens et élèves en formation alternée) à une " culture générale ouverte " en phase avec " la vie sociale et professionnelle " (CGO-VSP selon les référentiels) qu’elle soit théorique ou ouverte, il n’en demeure pas moins que les enseignants ne doivent pas participer à la survalorisation de la technicité au détriment de la théorie, autrement dit au détriment de la méthodologie de la réflexion. L’instruction d’une société capable d’accueillir l’autre et de s’ouvrir au monde passe par la défense d’un enseignement de qualité, pluridisciplinaire, et d’une instruction basée sur l’analyse et la réflexion qui prennent en compte l’Autre, dans sa totalité complexe.

 

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12 mai 2006 5 12 /05 /mai /2006 17:09
  • " L’on discerne les hommes à leurs propos exactement comme les vases en bronze à leur sonorité. "
  • Erasme, Adage 98

 

Un ouvroir à idées n’est pas un " blog " personnel, mais un lieu où se cultivent et s’échangent, dans la tradition humaniste c’est-à-dire dans un perpetuum mobile, la diversité des savoirs, l’abondance des idées et la puissance de langage. Prônant des modèles rhétoriques et éthiques, l’humaniste est garant de sa moralité, sinon de la validité de ses propos et de sa critique, qu’il manifeste dans l’expression d’une idée à la fois structurée et respectueuse d’un lectorat filtré par un ouvroir qui se place dès son message d’accueil sous l’égide de la raison. Œuvre à ouvrir donc plus qu’à explorer en trente secondes, mêlant si possible les pointes à la réflexion plurielle, Réveil Monde propose une analyse herméneutique-transversale et une réflexion éthique-philosophique, au cœur d’un entre-deux ouvert par les sciences humaines & les sciences sociales.

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12 mai 2006 5 12 /05 /mai /2006 16:48

extrait d’un dialogue impromptu entre H et CL

 

CL - Angoisse ? Peur ? De quoi avons-nous peur ?

H - Ce qui importe de définir ce n’est pas ce qui nous effraye et nous angoisse, attendu que l’angoisse se nourrit de l’attente d’un événement ou d’un objet souvent imaginaire, mais c’est de savoir comment nous y remédions individuellement et collectivement. Dans La Peur en Occident (Fayard, 1978), Jean Delumeau analyse les différents types de peur et les réactions qui leur sont inhérentes. Je la compléterai avec les pistes webériennes (notamment textes recueillis dans Max Weber, Sociologie des religions, Gallimard). Si l’on part d’une réalité factuelle et contemporaine pour remonter par induction à l’origine des peurs urbaines, une typologie des peurs apparaît, classée en quatre catégories :

l’agression, l’insécurité, l’abandon, la mort.

Il ne s’agit pas ici des peurs spontanées (des émotions-chocs), mais des peurs sociales, soit réfléchies, soit collectives, soit permanentes ou cycliques, celles qui étreignent toute une structure sociale, voire les sociétés occidentales dans leur globalité.

- Que vient faire l’agression dans cette typologie ? L’agression ne détermine-t-elle pas la peur de l’agressé non de l’agresseur ?

- Il existe une angoisse de l’agression comme une angoisse de l’insécurité, de l’abandon et de la mort, or chacune de ces angoisses suscite un sentiment respectif :

le ressentiment, la haine, la culpabilité, la souffrance.

 

Typologie des peurs

Catégories

AGRESSION

INSECURITE

ABANDON

MORT

Symboles

Cosmiques (cataclysmes)

Bestiaire (loups, dragons)

Maléfiques (fouets, cercueils)

Agressifs (diables, bourreaux)

Sentiments

Ressentiment

Haine

Culpabilité

Souffrance

Croyances

Ethique du devoir

Religion

Théodicée du bonheur (droit au bonheur)

Théodicée de la mort (sublimation de la mort)

Champs narratifs

Factuel

(objet à narrer)

Nominatif

(objet à nommer)

Chamaps humains

Général (universel)

Social (propre à un groupe social)

Existentiel (propre à la personne)

Métaphysique (propre aux idées)

Types d’ascèse

ou de

Salut-délivrance

     

  1. action dans le monde : 1.1. négative : fuite, destruction, expiation 1.2. positive : fraternité, solidarité

     

     

  2. contemplation : 2.1. mystique 2.2. introspection : remords, repentir, névrose

Par exemple, l’insécurité suscite la haine de l’autre et a recours à la parole religieuse pour se délivrer de cette peur. Autre exemple, l’angoisse de l’agression ou d’être la victime d’une disette, d’un cataclysme, provoque un ressentiment qui est le produit de sentiments refoulés éprouvés par des êtres bornés condamnés à travailler et à gagner leur pain.

Un tremblement de terre suscite un ressentiment, tels les cataclysmes qu’a connu notre société, dont le raz-de-marée en Indonésie et le tremblement de terre au Pakistan. Les attentats terroristes à New York ont ébranlé les consciences au point que les médias relaient l’idée d’une " nouvelle donne internationale " sans que l’on établisse les éléments d’aucune restructuration, sinon une recrudescence des peurs.

- Quel type de peur a suscité cet attentat ?

- Une peur névrotique a traversé tous les champs narratifs et humains : factuel et limité à un lieu, l’événement a pénétré dans toutes les consciences planétaires. L’objet, lui, a été doublement nommé sous le nom d’un organisme de terroristes et sous un concept abstrait qu’a été le " terrorisme islamique ". L’humanité a alors eu peur de ses concepts, comme elle avait eu peur des idéologies communistes.

- Peut-on parler dans ce cas précis de peur collective et irréfléchie ?

- Abstraite et collective, la peur du terrorisme a dû l’être, mais on ne peut pas précisément parler de peur irréfléchie dès lors qu’elle a été organisée par les états occidentaux et américains, de la même manière que l’église avait prêché le salut par les croisades pour répondre aux peurs eschatologiques et millénaristes. Les sociétés modernes, climatiques, ont également un univers où la réalité côtoie le merveilleux morbide dans des danses macabres où la Mort porte non plus une faulx mais une ceinture de dynamites, où le Diable a quitté les cornes pour le turban et les sorcières les potions pour le voile.

- Qu’en est-il du ressentiment après un raz-de-marée ?

- Dans le tableau, c’est une autre peur, une peur cosmique. Or ce ressentiment a été conjuré par ce que Weber a appelé " l’éthique du devoir ". Il l’explique comme l’engagement à agir dans le monde, et non plus à rester passif dans une sphère privée. A l’opposé, le cas des révoltes urbaines illustrent les peurs liées à l’insécurité et à l’abandon. Les sentiments comme la haine et la culpabilité forment un autre type d’angoisse qui plonge la société dans un refus du monde et la dramatisation des jeux sociaux en surdéterminant la souffrance. Au final, il n’y a qu’un pas à faire entre la fuite et la mort, ou bien le refus et la destruction.

Les peurs s’imbriquent et s’entremêlent quelle que soit notre quête, qu’elle soit éthique, sociale, existentielle ou métaphysique.

- Quel que soit le type de délivrance recherchée, l’humanité ne finit-elle pas par fuir ?

- Il faut mettre plutôt l’accent sur le choix conscient de la meilleure délivrance, si possible dans l’action positive. Ainsi les peurs sont des moteurs de l’action ou du refus, c’est-à-dire en langage factuel de la haine de l’autre, du communautarisme, des guerres fratricides, de l’ostracisme des étrangers.

- Mais qu’en est-il des intérêts économiques et politiques qui prédominent tout : les guerres, les relations sociales ?

- Il ne serait pas raisonnable de faire reposer le monde sur les épaules d’un Atlas tenant debout grâce aux peurs obsidionales uniquement, de la même façon il est abusif de s’en remettre à la théorie du complot politique ne serait-ce que parce qu’il désunit le peuple et les institutions, et parce qu’il donne raison aux poltrons qui diabolisent les gouvernements. Il est donc peu raisonnable d’affirmer que la peur du terrorisme est organisée par les politiques. Bien plutôt, les sociétés autant que les gouvernements sont responsables de leurs peurs. La théorie sur les peurs constituantes des mentalités a pour seul objectif de responsabiliser les hommes d’hier et d’aujourd’hui.

- Pourquoi un cataclysme ne suscite-t-il pas de la haine ?

- Un cataclysme appartient au collectif et au factuel, et sa cause est aléatoire à moins de nommer le mal ou Satan ; et même il ne suffit pas de nommer Satan pour diriger l’action vers un objet déterminé : ses ambassadeurs sur terre, c’est-à-dire les sorciers et les impies, valent mieux car ils sont des cibles humaines et donc accessibles. Il y a peu, le ressentiment après le cataclysme n’ayant pas d’objet s’est atténué dans l’action caritative. En revanche, les trois autres catégories de peur : l’insécurité, l’abandon, la mort tombent dans le champ du nominatif à chaque fois que les zélateurs et les prosélytes nomment leur origine : le loup, l’étranger, le diable, le tyran, le bourreau.

On passe alors des peurs cosmiques et factuelles aux peurs sociales et théologiques déterminées par leur objet. Et celle-ci engage l’homme soit vers la contemplation mystique avec une mise en valeur de la théodicée du bonheur, soit vers l’introspection conduisant aux remords, à la peur de soi ou au repentir, voire à la névrose, soit à l’expiation, autrement dit à la purification.

 - Peut-on aujourd’hui associer ces trois peurs : l’insécurité, l’abandon, la mort ?

- De même que les sociétés du moyen âge qui, au moyen d’autres symboles, d’autres discours, se délivraient de leurs angoisses par la contemplation eschatologique et l’action des croisés pour répondre aux peurs millénaristes, l’homme est toujours en proie à ce que Weber appelait une ascèse : une contemplation ou une action.

- Ces symboles : le loup, le dragon, le fouet, pouvons-nous en avoir peur ?

- Nous avons nos propres symboles comme les sociétés anciennes avaient les leurs : le loup est la métaphore de l’étranger dangereux, le fouet celui des régimes tyranniques, voire des lois coercitives, enfin le libéralisme et la mondialisation sont des formes diaboliques. Nous avons donc aussi nos loups, nos fouets et nos diables. Nous aussi nous avons nos propres peurs que nous radicalisons dans une quête de la promotion et de la pacification, et que nous croyons atténuer dans quelque culte. Notre société atteste d’un changement de statut : l’agressé devient l’agresseur après un temps où il s’est complu à jouer la victime. L’homme est bien un loup pour l’homme, et s’il n’est aujourd’hui que soumis ou agressé en raison de ses peurs, à son tour il se fera loup un jour, c’est une question de temps et de contexte.

- Tout cela à cause de ses peurs ?

- Ne croyez-vous pas qu’elles expliquent en partie la haine de l’homme pour son prochain, la haine du monde, de la vie, de soi-même ?

- Mais les contemplatifs sont-ils plus heureux que les angoissés ?

- Ne sont-ils pas angoissés eux-mêmes quand ils projettent leurs espoirs dans le miroir du bonheur ? S’ils sont pacifiques en apparence, leur fuite est le symptôme d’une culpabilité, d’un mal être, probablement d’une indifférence. Enfin, s’en remettre à la loi du bonheur, c’est croire enfin qu’on fait partie des rares élus. Et cette croyance ne se construit-elle pas sur la haine des faibles et des infidèles ?

 

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7 mai 2006 7 07 /05 /mai /2006 20:04

Réflexion à partir de la lecture de : J.-P. Fitoussi (IEP/OFCE) et P. Rosanvallon (EHESS), Le nouvel âge des inégalités, Seuil, 1996 " démocratie et populisme ", p. 206 et suiv.

°°°

La perte de confiance et la déception du peuple pour ses institutions et ses politiques ont engendré deux phénomènes pervers : 1° une gradation dans la désertion citoyenne, puisqu’on est passé de l’abandon des urnes à une situation schizophrène* où s’alternent des impulsions subites et des états de prostration ; 2° un populisme effréné. Ce jeu de substitutions ne fait pas qu’ébranler nos institutions, il ouvre la porte au populisme qui, tout en faisant le procès de la machinerie de l’Etat et de sa représentativité, valorise la démocratie participative et l’action directe. Si l’idéologie populiste encourage le peuple a formé un bloc uni contre l’apathie de l’Etat, c’est bien pour édifier un mur contre la réforme ou le changement. Fomentant la crise sociale, le populisme est à l’origine du mythe de l’Etat incapable et coupable, de la thèse du déclin de l’Europe, et alimente la déception et la revendication populaire, sans chercher à savoir où leur action peut conduire.

Sous l’argument que la démocratie est le droit du peuple à s’auto-déterminer, la démocratie populiste, schizophrène, a fini par écraser la démocratie politique au profit de la revendication tout azimut. Soyons clairs, ce à quoi nous assistons est une falsification de la démocratie, à un faux mouvement vers l’émancipation, à un débat populaire (télévisé) sans argumentation intellectuelle structurée, finalement sans proposition ni solution (ce qui est le propre d’un débat construit). La critique populiste est devenue un argument qui se suffit à lui-même, parce qu’en louant le vitalisme du peuple, il caresse l’affectivité du schizophrène et enlève toute résistance quand le jour venu, celui-ci glissera son bulletin de vote dans l’urne-du-vrai-déclin en croyant faire œuvre démocratique.

*Schizophrénie : Maladie mentale caractérisée par des troubles graves de l’affectivité, par une coupure brusque d’avec le réel, qui fait que, plongé dans un monde de fantasmes, le sujet se néglige, s’abandonne au désespoir et cède à des impulsions subites.

 

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5 mai 2006 5 05 /05 /mai /2006 20:57

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LES SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES

DANS LES 6ÈME ET 7ÈME

PROGRAMMES-CADRES DE RECHERCHE ET DEVELOPPEMENT

Colloque organisé par le Point de Contact National

PRIORITE THEMATIQUE 7

" CITOYENS ET GOUVERNANCE DANS UNE SOCIETE DE LA CONNAISSANCE "

9 et 10 mai 2006 – Auditorium Marie Curie, CNRS, 3 rue Michel-Ange, 75 794 Paris cedex 16

– Auditorium Marie Curie, CNRS, 3 rue Michel-Ange, 75 794 Paris cedex 16

Métro : Michel-Ange-Auteuil (ligne 9)

 

Programme et inscription sur

– Auditorium Marie Curie, CNRS, 3 rue Michel-Ange, 75 794 Paris cedex 16

 

http://www.eurosfaire.prd.fr/ji/index-ji090506i.php

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29 avril 2006 6 29 /04 /avril /2006 14:26

 

 Extrait de " Voltaire philosophe " - in Cahiers Voltaire n° 3, 2004, pp.168-172 (initiateur du débat : A. Magnan, Paris X)

  • " Ils veulent être comptés parmi les écrivains, être salués comme écrivains,
  • être acceptés et tenus pour polymathes et polyhistors,
  • se voir attribuer par la foule ignorante l’appellation vaine d’artiste,
  • obtenir un royaume en papier… "
  • Robert Burton, Anatomy of Melancholy (vol.1),
  • trad. B. Hoepffner et C. Goffaux, éd. José Corti, 2000, pp. 27-28

On peut s’attacher aux modèles proposés du penseur raisonnant — et non plus à celui du raisonneur : à Zadig dont " une figure aimable, un esprit juste et modéré, un cœur sincère et noble " le rend " grand " et " aimable " ministre, ainsi qu’à l’abbé Bazin. Tous deux détiennent un trait de bonté et de génie qui font d’eux des possesseurs du " style de la raison ", seul critère de l’homme de lettres au sens lato sensu. Au sens voltairien, est homme de lettres tout homme réunissant des vertus et des talents pour exercer sa bonté et son esprit. En ce qui concerne l’oncle Bazin, pseudonyme de Voltaire, il apprit à ses congénères le moyen de se préserver de la petite vérole, ou bien il se mêla d’expliquer des principes scientifiques, hasarda d’écrire des tragédies, et sut finalement rire avec goguenardise de ses malheurs (La défense de mon oncle, chap. XX, 1767).

Talentueux et vertueux, ce sont les deux traits que le prince Frédéric II relève chez Voltaire dans sa lettre du 24 septembre 1740, après leur première rencontre. Ils confirment le style divin des œuvres et des épîtres :  

  • Il [Voltaire] a l’éloquence de Cicéron, la douceur de Pline, et la sagesse d’Agrippa ; il réunit, en un mot, ce qu’il faut ressembler de vertus et de talents de trois des plus grands hommes de l’antiquité. Son esprit travaille sans cesse ; chaque goutte d’encre est un trait d’esprit sorti de sa plume. "
  • Correspondance, éd. Théodore Besterman, Gallimard, " la Pléiade ".
    éd. Théodore Besterman, Gallimard, " la Pléiade ".

Les traits d’esprit sortis d’une plume forment le " style de la raison " : plus qu’une figure de rhétorique, ils sont un critère distinctif dans l’art rhétorique dont le substitut, sur le plan moral, est l’" enthousiasme raisonnable ". De surcroît, quand sont joints au " style de la raison " les vertus et les talents d’un homme, l’alliance forme une disposition rare :

  • La chose la plus rare est de joindre la raison avec l’enthousiasme ; la raison consiste à voir toujours les choses comme elles sont. Celui qui, dans l’ivresse, voit les objets doubles est alors privé de sa raison. "
  • Dictionnaire philosophique, art. " Enthousiasme "

Le concept de raison mêlée à la volonté est une notion humaniste fondée sur l’idée que la raison est le privilège des " hommes libres ", plus précisément des " viri literati " se livrant à une " vita speculativa ". En se détachant de l’étude scolastique, la conscience humaniste, celle de l’homme cultivé (humanus) en tant qu’homme libre, se distingue de l’étude du religiosus, quand l’homme, dans la vie privée comme dans la vie publique, est responsable envers lui-même et envers son esprit. En termes voltairiens, l’" enthousiasme raisonnable " et le " style de la raison " perpétuent, sur le plan éthico-moral et dans le domaine des lettres, la vita speculativa des humanistes florentins qu’illustre l’Oratio dite De hominis dignitate de Pic de la Mirandole.

Placé au centre de l’univers, dans une situation indéterminée (in mundi positum meditullio), et libre de se façonner lui-même, l’homme qui veut parachever le magnum miraculum humain fait ipso facto l’épreuve d’une dualité entre l’affirmation de soi et le doute sur soi. Ainsi, s’il lui a été donné en partage la possibilité de cultiver les germes de son espèce, de modeler son propre " jugement " (arbitrium), il se doit également de gérer l’ambivalence qui lui est propre, soit l’hubris et le désespoir. Cette notion hermétique de l’homo duplex, Pic de la Mirandole en fait le propre de l’homme protéen. De son côté, Marsile Ficin lui adjoint les notions aristotélicienne et platonicienne du génie et de la fureur divine : l’homme de génie est naturellement mélancolique car il a reçu en partage un art, le maniké, que Platon définit comme une faveur divine (theia moira, Phèdre, 244c). Rasséréné sur la question d’une mélancolie positive, Marsile Ficin écrivit à Giovanni Cavalcanti :

  • " …J’approuverai Aristote, qui dit que cette nature-là est un don exceptionnel et divin. "
  • Cité par R. Klibansky et E. Panofsky, Saturne et la Mélancolie, III,
  • " Mélancolie poétique " et " Melancholia generosa " dans le néo-platonisme florentin,
  • éd. Gallimard, trad. franç. 1989, p. 411.

Historiquement placée entre l’acedia scolastique et la mélancolie romantique (le " spleen "), la melancholia generosa est élevée au rang de force créatrice et de force intellectuelle. Dans la mesure où les humanistes florentins font de la vie spéculative un idéal de la dignitas de l’homme telle qu’elle le rende supérieur aux anges, l’homo literatus se réjouit de ce miracle divin qui lui a donné la possibilité de juger par lui-même et de se façonner lui-même. Par conséquent, à l’instar de Noûs guidant les deux chevaux de l’attelage apparié de l’âme dans le Phèdre, la raison de l’homo literatus tient compte des deux natures contraires : l’atra bilis et la candida bilis, pour chercher à en tirer le meilleur parti en les tempérant.

 " Autant il importe de rechercher et d’entretenir (en tant que très profitable, optima) une certaine bile noire (atra bilis), qu’on devrait dire blanche (candida bilis) plutôt, autant il importe d’éviter, à cause de ses effets désastreux, celle que nous avons désignée comme son contraire. "

  • Marcile Ficin, De vita triplici, I, 6, cité par Ibidem, p. 399.

 Ainsi la " mélancolie blanche " devient-elle un " enthousiasme raisonnable " chez Voltaire, comme un stimulus nécessaire pour parfaire l’œuvre de l’honnête homme, et un medium entre la théorie des idées et la pratique poétique. Au demeurant, la mélancolie se décèle dans le tempérament de Voltaire, ainsi que dans son œuvre. En effet, que ce soit Piron, Fréron, Mme de Graffigny, Saint-Lambert, les contemporains de Voltaire témoignent du corps sec mordu par la bile noire, et du tempérament bipolaire, entre ardeur et inquiétude. Les caricaturistes, Voltaire lui-même, façonneront la légende de Ferney, celle du penseur mélancolieux : mourant quoique primesautier. Comme l’a reconnu Chateaubriand, l’œuvre de l’homme de lettres exprime également l’ambivalence d’une double nature dans ses contes et ses traités quand se mêlent l’éloge, la satire et l’inquiétude. Citons le Mondain, Candide, l’" anti-Pascal ", l’" anti-Machiavel " ou le Poème sur le désastre de Lisbonne pour témoins de l’ambivalence d’un esprit qui oscille entre l’affirmation d’un moi, ivre de bonheur : " Le Paradis terrestre est où je suis " (Le Mondain) et le doute métaphysique : " Qui de nous prétendra mériter d’être heureux ? " (Poème sur le désastre…).

C’est pourquoi, à défaut de ne pas être un " philosophe classique ", Voltaire n’en est pas moins le modèle du " génie " moderne, dont les caractères physiques et le double tempérament, ceux du caméléon et du polymathe, révèlent bien moins un " philosophe manqué " au rire hideux qu’un homme de génie mélancolique.

 

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